Managers : Dire et agir de l’intérieur

Chronique d’une manager qui questionne son pouvoir de dire et d’agir.

Et ceci est tout aussi vrai si vous, lecteur, êtes un manager homme.

Je me sens tiraillée…

Je sens parfois un décalage entre mes valeurs et aspirations personnelles, la façon dont je veux les incarner dans ma vie, et ce que nous vivons collectivement  dans notre entreprise. Je pourrais mettre fin simplement et radicalement à cette tension douloureuse en quittant mon job . Pourtant je n’en ai pas envie, cela me ferait peur.

J’aime mon métier et mon entreprise. J’aime la richesse des échanges avec mes collègues, j’aime accompagner mon équipe, trouver sa place à chacun et nous voir performants tous ensemble. Je me sens utile, au bon endroit, et pourtant parfois je me sens aussi en désaccord avec ce que « l’entreprise (ses dirigeants) » me commande de faire, ou comment le faire. Je me questionne sur ce qui guide nos actions, leur utilité véritable  et leurs conséquences sur les humains et la planète. Sommes-nous assez conscients de nos impacts ?

Je suis souvent interpelée par ce que je lis, écoute, regarde. Je deviens de plus en plus sensible et ouverte aux enjeux vitaux de notre monde,  A titre personnel, avec ma famille ou mes amis je commence à transformer petit à petit mon mode de vie grâce à cette prise de conscience.  Tout en étant inquiète pour nos enfants, je sens aussi la force et le courage qui s’éveillent en moi et m’animent. Comment les canaliser  ?

Mon entreprise propose quelques actions généreuses auxquelles je participe souvent : collecte solidaire de vêtements et de jouets à Noël, réduction des plastiques et emballages dans les fournitures de bureau, collecte d’argent pour des associations caritatives, micro-don au restaurant d’entreprise. Il existe de belles initiatives en interne, comme la diffusion de la Fresque du Climat. Très bien, mais tout cela reste vraiment à la marge du fonctionnement de l’entreprise elle-même. Ces actions sont portées par le service RSE et concernent les individus. L’entreprise elle-même s’engage peu à transformer son fonctionnement, à rendre son impact sur le monde positif. A quoi sert de réduire les plastiques dans nos achats de fournitures si nos produits polluent avec tous les déchets de leur fabrication ? A quoi sert-il de s’engager personnellement dans une voie de sobriété si par ailleurs notre entreprise et le système économique dans lequel nous fonctionnons, nous obligent à faire toujours plus, à « croître», sans fin.

Je crois fondamentalement qu’une organisation comme la mienne a un rôle à jouer et la puissance nécessaire pour faire bouger les choses. J’aimerais qu’il y ait une vraie implication de l’ensemble du management et de la direction pour une prise en compte sincère de notre impact, pour le rendre intégralement positif et que cela soit au cœur de notre stratégie.

Pourquoi si peu de choses bougent-elles vraiment au niveau de notre organisation ? ?

Clairement, les réponses actuelles de notre organisation face aux enjeux socio-climatiques ne me semblent pas assez rapides au vu de l’urgence et de la taille du problème.

Je sais que tout ne peut pas changer en un jour et ne veux pas tout révolutionner mais il faut qu’on se mette en mouvement, le temps presse. Avec le rejet ou la révolte des jeunes générations, la démission silencieuse des aînés, les événements climatiques, l’urgence sociale qui gronde, ’il est plus que jamais temps d’agir.

Mon impression cependant est que nous faisons toujours plus de la même chose : objectifs de croissance, prédictions et planification, optimisation financière et opérationnelle…

Je suis choquée par l’aveuglement, voire la naïveté, d’une vision collective qui ne prend pas vraiment en compte les limites perceptibles de notre monde. J’ai de plus en plus de mal à adhérer à une stratégie qui, à côté de promouvoir de belles valeurs humanistes, sert en tout premier lieu une logique de croissance économique, une ambition et des principes fondamentaux de maximisation des profits.

J’ai l’impression qu’au fond beaucoup d’entre nous partageons cette même analyse, mais continuons collectivement à faire “comme si”, en essayant de croire à notre ancien système, en attendant que ça bouge, peut-être.

Individuellement nous sommes de plus en plus nombreux à être au clair avec ce nouveau pas de conscience nécessaire, pourtant je vois bien que collectivement nous ne prenons pas la mesure des vrais enjeux. Nous les qualifions aujourd’hui de « nouveaux » enjeux alors que finalement tout cela était prédictible, nous sommes sur cette trajectoire depuis des décennies. Il s’agit de sortir du déni, de requestionner nos fondamentaux, faire effectivement un pas de conscience collectif sur notre responsabilité, et enfin d’oser changer de paradigme. Je réalise que mon pouvoir en tant que manager serait d’oser questionner, dire non, dire stop, dire « autrement ». Pourquoi cela me paraît-il en même temps si évident et si difficile ?

Oser prendre la parole, pourquoi est-ce si compliqué pour moi ?

Je ne me sens pas encore très solide dans mes connaissances sur la complexité des enjeux auxquels nous avons à faire face pour soutenir des prises de position à l’encontre du discours dominant qui a la force et l’assurance des choses familières. C’est tellement plus simple de faire comme d’habitude, il y a déjà tellement d’urgences, de pression, d’obligations, de comptes à rendre… Surtout, je n’ai pas de solutions toutes faites et la complexité du problème implique justement de se méfier des réponses évidentes que nous affectionnons et qui pourtant ne tiennent pas compte de l’aspect systémique des choses. Une « bonne idée » peut ne faire qu’empirer le problème ou le déplacer ailleurs. Je sais qu’il n’y a pas de « Quick Win ».

Je crains peut-être d’être prise en défaut, de manquer d’arguments voire d’être moquée, rejetée. Je crains aussi que mon engagement sincère dans l’entreprise ne soit remis en question, en doute, de ne plus être « bien vue », d’être considérée comme une « rebelle », et d’être écartée des opportunités de promotions voire à terme d’être mise de côté, placardisée.

On ne manquerait pas de me donner la liste de tout ce qui est déjà fait ou en cours, de me ramener à « la feuille de route », et de me mettre devant l’évidence, la nécessité de s’atteler aux résultats avant tout, de ne pas mettre en péril l’édifice en questionnant les fondamentaux. Et pourtant …

De quoi aurais-je besoin pour oser dire et agir

Au fond, je réalise que mes craintes et mes doutes naissent de la peur du regard de l’autre ou de ne pas être conforme à la norme. Et si beaucoup des réponses à mes questions commençaient par mon repositionnement personnel : incarner en confiance ce en quoi je crois vraiment, me reconnecter à ce qui est vivant et vrai en moi, pour me reconnecter aux autres et, à l’échelle de notre entreprise, pouvoir déployer notre plein potentiel ?

J’ai besoin de prendre confiance en mes propres repères pour vivre avec force mon intuition et mes convictions pour le monde, en prenant soin de mes vrais besoins :

  • J’ai besoin de sécurité pour ne pas mettre en danger mes revenus financiers et donc ma famille.
  • J’ai besoin d’échanger avec des personnes qui sont dans la même situation que moi pour ne plus me sentir seule et sentir une force qui me soutient.
  • J’ai besoin de me connecter à d’autres personnes qui s’engagent pour me donner l’inspiration et la force, j’ai besoin de sentir la joie de ce mouvement.
  • J’ai besoin de trouver de nouveaux leviers d’action pour oser dire et faire concrètement, être utile à l’échelle du pouvoir d’agir de notre entreprise.

Et si je ne restais pas seule face à ces questions ?

Trouver le soutien, l’inspiration et son propre potentiel d’évolution est l’une des choses importantes que les personnes engagées pour un monde plus juste et durable viennent chercher dans un cercle Circle for future (www.circleforfuture.com).

Pas de magie, mais une dynamique d’évolution personnelle appuyée par une méthode d’accompagnement innovante et rigoureuse qui permet pour chacun des prises de conscience et des « repositionnements » suivis de décisions concrètes à mettre en œuvre dans sa vie personnelle et professionnelle, là où il ou elle se trouve.

Si vous vous reconnaissez dans cette chronique, nous vous invitons à participer à un workshop en ligne « Dire et agir de l’intérieur » qui aura lieu le jeudi 19 Janvier de 16h à 19h.

L’objectif de ce workshop est triple

  • Créer un cadre propice à des échanges en profondeur et un partage d’expérience entre managers engagé(e)s, animé(e)s par ces mêmes questionnements et aspirations.
  • En lien avec le thème de cet article, vous proposer des apports nouveaux et vous faire expérimenter la démarche Circle for future qui combine les repères puissants de la Théorie U et du Leadership Ethique.
  • Plus spécifiquement, présenter le projet de constitution de nos prochains cercles « Managers Engagés », des cercles de pairs pour grandir et agir..

Le workshop sera animé par Catherine Garner, Isabelle Lafond et Michel Oulerich, coachs professionnels certifiés et associés de Circle for future, avec les interventions de Véronique Chabernaud, consultante en Leadership Ethique, ainsi que François Prothais et Graciela Naveda qui partageront leur expérience au sein d’un cercle.

Pas disponible le 19 janvier?  Contactez-nous à l’adresse https://www.circleforfuture.com/formulaire/, nous serons ravis d’organiser un entretien exploratoire avec vous.

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