Climat : le temps des décisions radicales est venu

La grande histoire de l’humanité nous enseigne une chose : lorsqu’ils sont au pied du mur, les êtres humains sont capables d’une inventivité, d’une énergie et d’un courage tellement exceptionnels qu’ils peuvent réussir ce qui paraissait encore quelque temps plus tôt strictement impossible.

Songez à la crise du COVID et la façon dont nos entreprises se sont adaptées en un temps record, parce qu’elles n’avaient pas le choix.

Alors aujourd’hui, nous y voilà.

La 6ème synthèse du GIEC nous dit

GIEC
  • La vie ou non-vie qu’auront nos enfants et petits-enfants dépend maintenant des décisions que vous et moi prendrons dans les 5 prochaines années. Car habiter sur une planète à +1,5° ou sur une planète à + 3,5°, c’est un peu comme habiter à Saint-Cyr au Mont d’Or ou à Pyongyang (Là c’est moi qui le dis😊).
  • Toutes les solutions sont là, disponibles, et à un coût qui ne cesse de baisser.
  • Il reste encore une petite chance, mais celle-ci « implique des réductions de gaz à effet de serre profondes, rapides et la plupart du temps immédiates dans tous les secteurs ».
  • Même si les changements sont réels et sans précédent depuis 3 ans, ceux-ci restent très en deçà de ce qu’il faudrait.

Une chose semble évidente si nous osons être lucides : la grande mobilisation n’a pas encore eu lieu.

C’est comme si, face à une situation pourtant extrême, sans précédent dans l’histoire humaine, nous ne mobilisions encore que 20% de notre potentiel collectif.

La question centrale est : pourquoi ?

Car une fois de plus la preuve n’est plus à faire. Quand il le faut, nous savons nous mobiliser de façon exceptionnelle. Pensez à l’histoire de notre nation, de l’Europe, de votre entreprise, de votre famille ?

Il est un « pourquoi » largement entendu dans les entreprises et chez les dirigeant(e)s. En substance il dit : oui il faut agir, mais c’est très complexe et ça prendra du temps, car on reste prisonniers d’un système qui ne veut pas changer.

Je crois que cet argument est une excuse, qui cache la véritable raison.

Nous pensons inconsciemment que nous avons encore le choix

  • Le choix des petits pas
  • Le choix de ne changer que ce qui ne nous met pas trop en risque, ou n’enlève pas trop de confort
  • Le choix d’attendre que nos concurrents bougent en premier, ou que les Etats se décident enfin à agir…

Alors oui bien sûr, nous avons pris le sujet en main, avec tous les beaux mots et concepts qui vont avec. Je ne dis pas que nous n’avons pas agi. Mais si nous sommes sincères nous pouvons voir que nous n’avons généralement agi qu’à la marge, dans une zone de faible risque, alors que les experts du GIEC nous disent que désormais chaque dixième de degré compte.

Climat : le temps des décisions radicales est venu

Par exemple nous avons inventé la RSE. Un concept magnifique, mais que nous réduisons la plupart du temps à n’être qu’une couche acceptable, vendeuse et sans risque sur un cœur modèle de l’entreprise qui reste inchangé. C’est ce que le schéma ci-joint illustre.

Résumons : le problème vient du fait que nous agissons encore avec l’hypothèse implicite que nous avons encore le choix, alors que les « faits scientifiques » nous disent que nous n’avons plus le choix. Comment faire alors ?

Je ne vois qu’une solution : « Avancer le mur »

Parmi tous les pouvoirs extraordinaires de l’être humain, il en est un qui me fascine particulièrement, c’est celui de l’imaginaire. Si le mur n’est pas encore là (totalement), nous pouvons collectivement imaginer qu’il est là, et créer un imaginaire favorable à la mobilisation.

Par exemple, nous pouvons imaginer et créer un scénario dans lequel il n’y a plus une goutte de pétrole ou de gaz achetables dans 3 ans. Que ferions-nous, dès demain ?

Que veut dire « Avancer le mur » ?

Pour moi, il s’agit de créer collectivement les conditions d’une ou plusieurs décisions radicales dans les 12 prochains mois, qui mettront rapidement l’entreprise ou le territoire sur une trajectoire à +1,5° (voir mieux), et qui créeront en interne et avec l’écosystème une mobilisation exceptionnelle.

Par décisions radicales j’entends par exemple

  • Le changement du modèle économique (par ex. vers l’économie de la fonctionnalité)
  • L’arrêt d’une ligne de produit écologiquement très coûteuse
  • L’arrêt de toute nouvelle « extraction » et le passage à une logique circulaire
  • Le changement de technologie, d’énergie ou de matériaux
  • La relocalisation d’une chaîne de valeur
  • Etc.

Des choix très forts & des décisions radicales

Voilà ce dont il est question maintenant.

Précisions déjà qu’une décision radicale n’est ni une vision, ni une stratégie, ni une feuille de route. C’est un choix majeur, qui modifie à terme l’identité de l’entreprise, et place l’ensemble des équipes face une belle dose d’inconnu (mais aussi de motivation !).

Bien sûr le mot fait un peu peur. En tout cas en ce qui me concerne il m’a longtemps gêné, d’autant que mon signe balance ne m’y prédisposait pas 😊.

Aujourd’hui, il faut bien reconnaitre que nous n’avons guère le choix. Mais plus que cela, je sais aussi que si nous osons y aller, il y a derrière ces choix très forts une opportunité extraordinaire.

Crise = opportunité dit l’idéogramme chinois

L’histoire humaine regorge d’exemples.

Il n’empêche que l’idée de « décisions radicales » éveille en nous des peurs. C’est naturel.  En tant que dirigeant(e), la peur d’échouer et d’être rejeté, mais aussi bien sûr celle de mettre en danger des emplois, et donc des familles.

Ici un cas d’école fait depuis trois ans figure de trauma collectif dans le monde des dirigeants : Emmanuel FABER ! L’image de la tête coupée par les méchants fonds de pension.

Il va bien falloir soigner ce trauma retrouver notre liberté d’agir.

Et nous avons trois bonnes raisons de le faire

  • Nous n’avons pas le choix.
  • Emmanuel FABER n’est pas mort. Il a rebondi, semble heureux, et son impact aujourd’hui est peut-être plus fort qu’il ne l’était avant. Nous pouvons nous rassurer.
  • N’oublions pas aussi que son éviction était il y 3 ans. Une éternité à l’échelle des changements en cours. Chaque jour nous sommes plus nombreux à vouloir nous lever pour agir et prendre des décisions courageuses.

Si nous songeons sérieusement aux défis que d’autres générations ont eu à relever, y compris chez nos arrières grands parents, nous pourrons relativiser le risque personnel qu’il nous est demandé de prendre, et ainsi réduire notre peur.

Une autre peur souvent exprimée est qu’une décision trop radicale pourrait mettre en danger beaucoup d’emplois et donc des familles, et/ ou créer sur un plan systémique d’autres impacts négatifs à plus ou moins long terme.

A ceci j’ai envie ici aussi de répondre trois choses

  • Avons-nous vraiment le choix ? Non, nous disent les experts du GIEC.
  • Ne sous-estimons jamais le génie humain (et donc de nos équipes) lorsque nous sommes réellement motivés. Notre capacité à inventer du neuf est juste exceptionnelle. Des emplois vont disparaitre, d’autres vont naitre.
  • Il existe désormais des méthodes et des approches incroyablement puissantes pour accompagner ces transformations profondes.

Je pense notamment au modèle et aux outils de la Théorie U, développé par Otto Scharmer et le MIT et expérimentés dans le monde depuis près de 15 ans.

Ce ne sont pas seulement les technologies qui sont disponibles !  Les processus d’intelligence collective et les outils aussi. Il faut juste les utiliser.

Pour moi, la meilleure façon de dépasser ma peur est de me connecter à l’espace du cœur pour ressentir et me laisser toucher. Par exemple, lorsqu’à l’invitation de Frédéric Laloux dans « THE WEEK » je calcule l’âge que mes enfants et petits-enfants auront en 2050, dans un monde à + 2,5° et j’essaie d’imaginer leur vie… Ma petite dernière aura moins de 40 ans, en pleine force de l’âge. Aura-t-elle eu des enfants ? Peut-être qu’elle aura choisi de ne pas en avoir, alors que je crois que c’est la plus belle chose qu’un être humain puisse vivre. Quand j’ai le courage de me laisser toucher par cette vision, je pleure. Et après, j’ai juste envie d’agir et de faire mon possible.

Dirigeantes et dirigeants, c’est à nous que cet article s’adresse avant tout

C’était déjà il y a 3 ans le titre et le thème de mon livre : LEVONS-NOUS. Être dirigeant au XXIème siècle.

Notre rôle est fantastique. A nous maintenant d’être à la hauteur. Le moment venu, quand nous quitterons cette terre, nous voulons pouvoir être apaisés. Nous voulons pouvoir nous dire que nous avons fait tout ce que nous pouvions faire, que nous ne regrettons rien, et que nous avons été pleinement dans la Vie !

Le pire, c’est que le chemin d’acteurs et d’actrices du changement qui s’ouvre à nous est un chemin vraiment joyeux, tant sur le plan individuel que collectif.

Il faut juste surmonter notre peur et inspirer nos équipes dans cette voie.

Pour cela, nous ne devons surtout pas rester seuls !  

Face à la nature des changements qui sont à opérer, il est vital pour un(e) dirigeant(e), un entrepreneur et toute personne qui veut être acteur/actrice du changement de rejoindre un collectif engagé.

Seul on renonce vite, ou alors on renégocie les objectifs à la baisse, et c’est justement ce que nous ne pouvons plus nous permettre de faire.

A plusieurs on s’épaule, on s’inspire, on s’encourage, on se soutient, on apprend ensemble. C’est toute la vocation du collectif Circle for future, lancé il y 2 ans, qui crée et accompagne des cercles de dirigeant(e)s, d’entrepreneur(e)s, de managers ou de coachs pour « grandir et agir ». C’est aussi la vocation d’autres magnifiques collectifs comme la Convention des Entreprises pour le Climat, le Mouvement Impact France, Les Collectifs, et tant d’autres.

C’est d’ailleurs un enjeu essentiel que de créer dans les prochaines années des milliers d’espaces collectifs, en interne des entreprises comme en externe, pour soutenir cette transformation personnelle et collective et ces décisions courageuses que nous sommes amenés à prendre.

Je termine cet article avec deux idées et invitations, pour nous tous

LEVONS-NOUS maintenant et osons ! C’est la grande aventure de notre génération.

A toute celles et ceux qui vous diront : « c’est compliqué », je vous propose de répondre « Oui et alors ? De toute façon nous n’avons pas le choix. Nous allons en faire un cadeau, et en plus, nous allons être les premiers ! ».

C’est ce que nous allons faire avec Circle for future.

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